Directive de signalement – Parulines à ailes bleues et à ailes dorées
Mark Read, Parcs Ontario
18 février, 2022
Introduction
La Paruline à ailes bleues (Vermivora cyanoptera) et la Paruline à ailes dorées (Vermivora chrysoptera) sont distinctes sur plan visuel, mais elles ne présentent que très peu de différences sur le plan génétique. Dans une étude réalisée en 2016, Toews et al. ont identifié un total de seulement six régions génomiques qui varient d’une espèce à l’autre, dont quatre qui semblent avoir une influence directe sur les détails des plumages. En d’autres termes, la différence génétique entre les deux espèces n’est que de 0,03% (ou inversement, celles-ci sont similaires à 99,97%). Dans son excellent résumé de l’article présentant l’étude, Gustave Alexson (qui, soit dit en passant, inclut d’excellentes photos), laisse entendre que cette différence pourrait être assimilée à la différence entre une personne sans taches de rousseur et une autre qui en présente. Il poursuit en affirmant que, selon la recherche, les différences génétiques entre ces deux espèces de parulines sont même moindres que celles observées entre les individus de deux groupes de la Grive à dos olive, soit le groupe swainsoni et le groupe ustulatus.
Le présent article n’a pas pour objet d’entrer dans les détails de la génétique des deux espèces, mais plutôt d’illustrer la nécessité d’être prudent lorsqu’on rapporte des observations de ces deux espèces, que ce soit à eBird, à votre club d’ornithologues ou, dans le cas qui nous occupe, aux fins du 3e Atlas. Il est essentiel de signaler avec précision la bonne espèce pour mieux comprendre la répartition, les préférences quant à l’habitat et les zones d’hybridation. Ces données peuvent ensuite être utilisées pour répondre aux besoins en matière de conservation.
![]() Paruline à ailes bleues – Tony Castro |
![]() Paruline à ailes dorées – Caleb Putman |
Si vous n’allez pas plus loin, voici les points essentiels:
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Si elles sont distinctes visuellement, où est le problème?
On sait depuis près de 200 ans que les deux espèces s’hybrident là où leurs aires de reproduction se chevauchent. Les rejetons issus de cette hybridation sont fertiles et peuvent se reproduire avec des individus d’une espèce ou de l’autre, ou avec d’autres hybrides. Les formes hybrides classiques incluent la Paruline de Brewster et la Paruline de Lawrence. Jusqu’à récemment, on croyait que la Paruline de Brewster était un hybride de première génération (F1) des deux espèces et que la Paruline de Lawrence était vraisemblablement un hybride de deuxième génération (rétrocroisement). Toutefois, selon Baiz et al. (2020), la réalité est plus compliquée et les hybrides F1 ressemblent davantage au parent (certainement quant à la couleur des parties inférieures du corps) qu’on le croyait auparavant.
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Figure 1. Les différentes espèces et formes hybrides des parulines du genre Vermivora. D’après Baiz et al. (2020), The Auk.
Donc, tout va toujours bien à ce stade. Une Paruline à ailes bleues ou une Paruline à ailes dorées pure sur le plan génétique (ou phénotypique) est facile à identifier visuellement. Même les hybrides connus sous les noms de Paruline de Brewster et de Paruline de Lawrence sont distinctifs. Cependant, toute autre forme devrait toujours être rapportée comme «hybride Paruline à ailes dorées x P. à ailes bleues».
Pendant la campagne du 2e Atlas (2001-2005), il n’y avait pas beaucoup de chevauchement dans la répartition des deux espèces, et la Paruline à ailes bleues était beaucoup plus commune dans le sud-ouest de la province (figure 2).
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Figure 2. Répartition des Parulines à ailes bleues et à ailes dorées pendant la campagne du 2e Atlas (2001-2005)
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Figure 3. Aires de répartition estimées des Parulines à ailes dorées (photo à droite) et à ailes bleues (du genre Vermivora) en 2019 selon les données eBird de 2005 à 2020.
Bien que la figure 3 montre la répartition des deux espèces dans l’ensemble de leur aire de répartition respective, quelques remarques intéressantes peuvent être formulées. En ce qui concerne la Paruline à ailes dorées, il semble que son aire de répartition demeure en grande partie telle qu’elle était il y a vingt ans, mais avec une légère expansion (en Ontario) vers l’ouest et le nord dans les régions de Thunder Bay et de Kenora. La situation de la Paruline à ailes bleues est très différente: l’aire s’est étendue un peu dans le sud-ouest de la province, mais on enregistre une expansion très nette dans le sud-est, où les populations des deux espèces semblent se chevaucher d’une manière qui n’a pas été observée pendant la campagne du 2e Atlas.
Ainsi, non seulement nous nous attendons à un chevauchement beaucoup plus important de la répartition des deux espèces au cours de la campagne du 3e Atlas mais, au cours des dernières années, nous avons également pris conscience de la complexité (ou plutôt de la simplicité) de la génétique des deux espèces. Une étude menée par E. Rondel au cours des saisons 2015 et 2016 (communication personnelle, avril 2021), principalement dans l’Arche de Frontenac et le Carden Alvar, nous amène au défi suivant, celui des vocalisations.
Un défi sonore : e véritable problème pour les observateurs vient du chevauchement des chants. On sait depuis toujours que les deux espèces chantent parfois le chant principal (ou de type 1) de l’autre espèce, mais cela est encore peu étudié ni démontré. Pour ma part, je me rappelle clairement d’une «Paruline à ailes dorées» qui avait l’habitude de se tenir près du chemin Opinicon (au nord de Kingston) et qui entonnait sans cesse le chant principal de la Paruline à ailes bleues. De plus, cette paruline réagissait fortement à la diffusion d’un enregistrement de la voix de la Paruline à ailes bleues, mais moins à celle de la Paruline à ailes dorées. Rondel, dans ses études, a confirmé visuellement l’identité de 269 parulines du genre Vermivora qu’elle a entendues chanter. De ceux-ci, six individus produisaient le chant de l’autre espèce, dont un individu qui alternait parfaitement entre les chants de type 1 des deux espèces. Vingt-cinq autres de ces individus étaient des hybrides et pouvaient émettre le chant principal de l’une ou de l’autre des deux espèces. En convertissant ces nombres en pourcentages, Rondel a découvert que 11,5% des individus de la population étudiée ne pouvaient pas être identifiés à l’espèce seulement par la voix. Et c’est de cela que nous devons nous méfier. Pour compliquer les choses, il appert que les deux espèces produisent un chant secondaire (de type 2) qui est généralement associé à la défense des territoires. Le travail de Rondel indique qu’il n’y a pas de différence entre les chants de type 2 des deux espèces et que celles-ci ne peuvent être identifiées ici encore seulement par la voix. Au cours de mon travail dans l’Arche de Frontenac, au parc provincial Murphys Point, j’ai personnellement observé que «nos» Parulines à ailes dorées entonnent rarement leur chant de type 1, accordant la préférence à leur chant secondaire. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la population étant très abondante (en Ontario), la défense des territoires est plus importante que les annonces destinées aux éventuelles partenaires, mais ce n’est qu’une hypothèse. Par conséquent, il est important de ne plus présumer de l’identité de l’espèce sur la base du seul chant.
Vocalisations
De nos jours, il existe de nombreuses sources de documents sonores permettant d’écouter différentes vocalisations. Vous trouverez ci-dessous des exemples tirés du site Web Xeno Canto, mais d’autres sources incluent Dendroica, la Bibliothèque Macaulay ainsi que de nombreuses applications.
Le chant principal (de type 1) de la Paruline à ailes bleues est un trille bourdonnant de deux notes, la seconde étant plus grave et plus «lâche» . Il ressemble à un soupir profond.
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Ci-dessous le chant principal typique (de type 1) de la Paruline à ailes dorées, un tzi zi-zi-zi aigu, ténu et bourdonnant.
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À l’occasion, une troisième note est émise (sur le même ton que la première), et souvent, la séquence est inversée, la deuxième note étant plus grave..
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Ci-dessous, le chant secondaire (et en fait les nombreuses variations du chant principal de type 1) de la Paruline à ailes dorées est varié, mais c’est un bon exemple de ce que j’entends d’habitude dans l’Arche de Frontenac.
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Bien que j’aie choisi des exemples classiques de vocalisations de chaque espèce ci-dessus, il est clair d’après les recherches sur le terrain que le chant est un indicateur peu fiable de l’espèce. Il vous alertera certainement de la présence d’une Paruline du genre Vermivora, mais il est important d’essayer ensuite d’avoir un aperçu visuel de l’oiseau. Bien sûr, le bien-être de l’oiseau passe avant tout, et vous devez toujours veiller à ne pas lui faire subir un stress excessif. Mais passer quelques minutes supplémentaires dans la zone est souvent suffisant.
Résumé des principaux points
- Le chant principal (de type 1) est un indicateur peu fiable de l’espèce. Assurez-vous de confirmer l’identité visuellement.
- On ne peut pas se baser du tout sur le chant secondaire (de type 2) pour identifier l’espèce.
- Identifiez l’espèce ou l’hybride en vous basant sur des indices visuels. La Paruline de Brewster et la Paruline de Lawrence sont distinctes.
- Les autres hybrides devraient être rapportés comme «hybride Paruline à ailes dorées x P. à ailes bleues».
- Si vous ne pouvez pas confirmer l’identité visuellement, rapportez «Paruline à ailes dorées/à ailes bleues».
Références
Axelson, G. 2016, Golden-winged and Blue-winged Warblers are 99.97 Percent Alike Genetically. Living Bird, Summer 2016. Accessed at https://www.allaboutbirds.org/news/mixed-wing-warblers-golden-wings-and-blue-wings-are-99-97-percent-alike-genetically/
Baiz, M. D., Kramer, G. R., Streby, H. M., Taylor, S. A., Lovette, I. J., & Toews, D. P. (2020). Genomic and plumage variation in Vermivora hybrids. The Auk, 137(3), ukaa027.
Bird Studies Canada, Environment Canada’s Canadian Wildlife Service, Ontario Nature, Ontario Field Ornithologists and Ontario Ministry of Natural Resources. 2006. Ontario Breeding Bird Atlas Database, 31 January 2008. http://www.birdsontario.org/atlas/aboutdata.jsp?lang=en
Maps: eBird data from 2005-2020. Estimated for 2019.
Fink, D., T. Auer, A. Johnston, M. Strimas-Mackey, O. Robinson, S. Ligocki, W. Hochachka, C. Wood, I. Davies, M. Iliff, L. Seitz. 2020. eBird Status and Trends, Data Version: 2019; Released: 2020. Cornell Lab of Ornithology, Ithaca, New York. https://doi.org/10.2173/ebirdst.2019
Toews et al., 2016, Plumage Genes and Little Else Distinguish the Genomes of Hybridizing Warblers. Current Biology 26, 2313–2318, September 12, 2016 © 2016 Elsevier Ltd. http://dx.doi.org/10.1016/j.cub.2016.06.034